Animations,
vous avez dit animations ?
-----En
dehors de ces jeux, les animations n'étaient pas fréquentes
dans notre quartier et c'est avec un immense plaisir qu'un beau jour d'été
nous vîmes débarquer un projectionniste qui nous donna l'occasion
d'assister à une séance de cinéma en plein air sur
le terrain du boulodrome du BCAF. Ce spectacle fut renouvelé chaque
semaine au cours des mois de juillet et août. Un écran était
tendu et quelques bancs étaient disposés mais beaucoup de
spectateurs préféraient amener leurs propres sièges
et les enfants délaissaient les bancs pour s'asseoir à même
le sol juste sous l'écran "pour mieux voir". Malgré
la saison estivale, il était toujours prudent de se munir d'un
lainage voire d'une petite couverture pour résister à la
fraîcheur humide des nuits étoilées d'Algérie.
-----Là, vers 21 heures, lorsque que
l'obscurité de la nuit devenait satisfaisante, nous avions d'abord
droit aux "actualités" Pathé ou Fox Movietone.
En fait d'actualités, les évènements dont les images
nous étaient présentées étaient loin d'être
récents, s'étant déroulés au moins deux mois
auparavant mais nous ne les aurions manqués à aucun prix.
Il y avait ensuite soit un documentaire, soit un dessin animé.
Inutile de préciser ce que nous préférions ! Enfin,
après un entracte qui permettait au projectionniste de rembobiner
la pellicule et de placer de nouvelles bobines dans le projecteur, c'était
le "grand" film. C'est là que nous avons pu découvrir
des films gais et enjoués avec Ray Ventura et ses Collégiens
comme "Nous irons à Paris" ou "Nous irons à
Monte-Carlo", ou avec Jacques Hélian et son orchestre comme
"Musique en Tête", mais aussi des films qui emplissaient
de frayeur les spectateurs, surtout les plus jeunes, comme "La Bête
à Cinq Doigts" qui a continué à hanter nos nuits
pendant de nombreuses années, et des films "à l'eau
de rose" avec amours contrariés qui faisaient pleurer les
femmes et les gamines mais ennuyaient profondément les galopins
que nous étions et qui préféraient les films (probablement
de série B) avec les cow-boys et les Indiens et l'inévitable
arrivée de la cavalerie au moment opportun.
-----Il n'était pas rare que, au moment
le plus palpitant, le film s'arrête brutalement, soit parce que
la lampe du projecteur était grillée, soit parce que le
film s'était cassé. Il fallait attendre alors le changement
de la lampe ou la réparation artisanale de la pellicule avant que
la projection ne reprenne, sous les applaudissements.
-----Cette animation estivale se poursuivit
pendant quatre ou cinq saisons puis cessa, à notre plus grande
déception, sans que nous en ayons jamais connu la raison.
-----Il y avait bien eu auparavant quelques
timides tentatives du même type mais qui ne s'étaient pas
pérennisées. Ainsi nous avions eu l'occasion à deux
ou trois reprises de bénéficier de représentations
payantes, bien entendu, dans une des salles de l'école, en dehors
des horaires de classe, et je me souviens avoir pleuré toutes les
larmes de mon corps lors de la projection du film "Les Deux Gamines".
Il ne fallait vraiment pas être fin psychologue pour proposer ce
type de mélodrame à des enfants de 6 à 14 ans dont
était majoritairement composée l'assistance, mais faute
de mieux ou de plus adapté, cela avait constitué un intermède
salutaire dans la vie de notre quartier que nous ne considérions
pourtant pas comme monotone (ou peut-être, n'avions nous pas conscience
qu'elle le fût). Quelques projections furent aussi organisées,
un temps, par Monsieur TABET, dans son garage, le jeudi après-midi
avec un programme principalement bâti autour des films de Laurel
et Hardy ou de Charlot.
-----Confronté
à une telle carence ou, pour le moins, pauvreté d'animation,
Monsieur DÉTREZ prenait parfois l'initiative de faire venir à
l'école des "artistes" qui exécutaient leur numéro
sous le préau de l'école d'Application, avant que ne soient
construites les cinquièmes et sixièmes classes. Nous eûmes
ainsi, moyennant quelques centimes de l'époque, l'occasion rare
d'assister, après la classe à quelques courtes représentations
de théâtre de marionnettes qui nous enchantaient car nous
étions loin de supposer que ces marionnettes n'étaient que
des objets manipulés en coulisse par des humains. Il y eut aussi
des récitals de scie musicale et des spectacles de prestidigitation
(trop compliqué à dire, on préférait dire
"magicien") où l'artiste faisait sortir de sa bouche,
une par une, des balles de ping-pong qu'il mettait tour à tour
dans sa poche. Et nous étions émerveillés par ce
nombre impressionnant de balles dont, dans notre candeur juvénile,
nous n'imaginions pas d'où elles pouvaient provenir, ni qu'il y
avait un subterfuge qui nous échappait. Nous n'étions même
pas surpris de constater que la poche du prestidigitateur (pardon, du
magicien !) ne craquait pas malgré la quantité de balles
qui étaient supposées y avoir été déposées.
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-----En
deux ou trois occasions, il y eut aussi, à l'école, des fêtes
de fin d'année avec parfois même, un petit spectacle dont les
petits et les petites élèves étaient les artistes :
acteurs, chanteurs ou danseuses.
Qui pourrait nous faire parvenir des souvenirs
et des documents qu'il aurait conservés de ces manifestations ?
Pour le moment nous ne disposons que de ces quelques photos auxquelles manquent
encore une légende et une date...
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Une
chorale
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La
danse |
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La
danse |
-----Hormis
ces petits spectacles, je ne me souviens pas qu'il y ait eu d'autres animations
marquantes à l'exception du passage en trois occasions de petits
cirques qui avaient installé pour deux ou trois jours leur petit
chapiteau sur le terrain vague situé derrière l'école
(là où furent implantés les bâtiments de la mairie
annexe lorsque Air de France fut avec Dély-Ibrahim et El-Biar rattachée
au 7ème arrondissement du Grand Alger).
-----Autour du chapiteau du dernier cirque
qui s'y installa pour plus d'une semaine, le "Joe Bill Circus",
la présence de quelques ânes qui broutaient les rares herbes
de ce terrain, avaient intrigué les enfants car ces animaux n'apparaissaient
à aucun moment dans le spectacle. Ayant demandé aux parents
la raison de la présence de ces solipèdes, ils s'entendirent
répondre que ces malheureuses bêtes étaient destinées
à la nourriture des deux ou trois lions qui, eux, figuraient au programme
du cirque. Vrai ou faux, toujours est-il que nous ne pûmes que constater
une diminution d'une ou deux unités du nombre de ces "bourriquots",
au cours du séjour de ce cirque.
----J'allais oublier LA FÊTE (LA FÊTE
en majuscules car je n'en connus qu'une seule) qui se déroula à
l'occasion de l'inauguration du boulodrome sur le terrain du BCAF. Par un
beau soir d'été 1954, les boulistes laissèrent la place
aux tourbillons des couples qui, sous les guirlandes de papier et les lampions
(et dans la poussière) dansèrent jusque tard dans la nuit
les valses, tangos, boléros et one-step, au son d'un véritable
orchestre jouant les succès de l'époque "Domino",
"La Petite Diligence", "Etoile des neiges, "La Raspa"
et les chansons de Patrice et Mario, des Surs Etienne, de Jean Sablon,
de Line Renaud, et bien sûr de Tino Rossi et de Luis Mariano.
------Et puis, une fois par an, il y avait
la course de côte de Bouzaréah. Cette course, qui rassemblait
voitures de sport, motos (125, 250 et 500 cm3) et side-cars, ne passait
pas vraiment par Air de France. Elle se déroulait en fait, sur la
"Route Neuve", partant de la route du Frais Vallon pour arriver,
après 5 kilomètres de côte et de virages, à Bouzaréah,
un peu avant la Gendarmerie. Les participants de cette course contre la
montre s'entraînaient sur ce parcours, le vendredi, le samedi et le
dimanche matin précédant la course du dimanche après-midi
et, une fois leur parcours terminé, ils devaient, pour regagner le
départ, redescendre par l'autre route et donc passer par Air de France.
Inutile de dire qu'à cette occasion, nous nous rassemblions le long
du parcours de retour pour bénéficier de ce spectacle gratuit
et pour admirer ces machines de rêves (Mercedes argentées,
Triumph jaunes, MG vertes, Talbot bleues, Aston
Martin rouges , Austin-Healey
), les pilotes des plus grosses
motos (les Fracès, les Ciancio
) et les side-cars à bord
desquels les acrobaties des passagers du side, "le singe" passant
d'un bord à l'autre en se penchant presque à frôler
la route avec son casque, nous enthousiasmaient en même temps qu'ils
nous faisaient frémir d'un respectueux émerveillement.
----Il n'était donné qu'à
très peu d'entre nous d'assister à la "vraie" course,
parce que nos parents se refusaient à nous y accompagner sous prétexte
que cela ne les intéressait pas vraiment, mais peut-être aussi
parce que l'accès au circuit était payant. La raison invoquée
pour justifier ce refus était le danger potentiel d'accident causé
par la perte de contrôle d'un véhicule qui aurait pu faucher
des spectateurs. Nous n'avons jamais su si c'était une échappatoire
ou si ces craintes étaient vraiment justifiées (on nous disait,
qu'avant la guerre, un accident de ce type s'était produit, faisant
des morts et des blessés). Seuls les plus malins ou les moins surveillés
par leurs parents finissaient, en passant par des chemins de traverse, coupant
le vallon du Lotissement Baranès par arriver à des emplacements
d'où ils parvenaient à assister, de façon souvent privilégiée,
au déroulement de la course sans avoir eu à en acquitter les
droits. Les jours suivants, ces heureux élus étaient soumis
à la pression amicale mais constante de ceux qui n'avaient pas eu
leur chance ou leur culot et se voyaient "contraints" de raconter
les péripéties auxquelles ils avaient eu l'avantage d'assister,
quitte à en rajouter, à inventer et à enjoliver, pour
frapper un peu plus l'esprit de leurs auditeurs. Dans un souci de mimétisme
et imitation immédiate, nous transformions alors en motos les vélos
que nous ne nous soucions plus d'utiliser pour des courses cyclistes. Cette
transformation était rapidement et simplement réalisée
par l'adjonction d'un morceau de carton rigide, maintenu par une ou deux
pinces à linge sur la fourche avant ou arrière, et qui rendait
un son que l'on assimilait au bruit de moteur d'une moto, lorsqu'il était
frappé par les rayons des roues. |