La Rue du Berry
(d'après les souvenirs de Francis Rambert, avec l'aide de Michelle Salama-Lévy et de Rachid Aissiou)
Dernière mise à jour le 11 juin 2004
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Grâce à la mémoire et aux souvenirs de quelques anciens habitants d'Air de France, nous avons pu localiser un certain nombre de rues qui avaient été baptisées de noms des provinces de France. Les noms de ces rues ont ainsi pu être placés sur le plan d'Air de France en 1958 que Théo Bruand a reconstitué. Théo, que nous remercions vivement, nous a donné l'autorisation de reproduire ce plan et de le placer sur le site. Sur la partie de ce plan ci-dessous, focalisée sur la rue du Berry, j'ai tenté de placer les noms de ses habitants dans les années 1947-1962. Il est possible qu'il y ait des erreurs ou des oublis. Merci par avance de me les signaler afin qu'ils soient corrigés.
Lorsque l'on prenait, à partir de la route de Béni-Messous (ou route de la Tourelle), la rue du Bourbonnais, la rue du Berry était la première rue à gauche. Sensiblement parallèle à la route de Béni-Messous, elle descendait en pente douce, reliant la rue du Bourbonnais à la rue de Bourgogne.
Sur la droite, à l'angle de la rue du Bourbonnais et de la rue du Berry, la belle villa moderne des Dupré, "Les deux sœurs", appelée ainsi en référence à leurs deux filles Ghislaine et Renée (appelée le plus souvent "Nounou" ou "Nouchette"), occupait un terrain triangulaire pris sur une partie de la propriété Lametta.
Vers 1947, , à l'intersection des rues qui seront plus tard baptisées rue du Berry et rue du Bourbonnais (et qui ne sont encore que des chemins de terre), Bernard Adreit et Georges Bondet posent à l'angle de la propriété Lametta. Au fond, les deux maisons de la villa "La Charentaise", où demeurèrent les Bondet et les Rambert.
Quelques années plustard, vers 1954, le même angle de la rue du Berry (à gauche) et de la rue du Bourbonnais (à droite), la villa "Les deux soeurs" des Dupré, récemment achevée. La haie de myoporums n'a pas encore tapissé la clôture. Appuyée contre le pilier du portail d'entrée, pas encore peint, Renée ("Nounou") Dupré et, dans la rue encore en terre battue, Madame Botella (mère). Au delà, l'espace encore libre de la propriété Lametta où sera édifiée la maison des Espaza et, tout au fond, la demeure des Villeneuve.
L'appartement du rez-de-chaussée fut occupé un temps par la famille Odin et leurs trois enfants Marie-Claude, Guy-Georges et Muriel, puis jusqu'en 1962 par Monsieur et Madame Yarassary, un couple de militaires affectés à l'École des Transmissions. Entre cette villa et celle des Villeneuve, le reste de la propriété Lametta donnant sur la rue du Berry n'était pas encore construit. Ce n'est qu'à la fin des années 1950, après le décès de Madame Adreit, que les Espaza firent l'acquisition de ce terrain et y firent construire (ou construisirent eux-mêmes) une villa dont je ne me souviens pas qu'elle fut jamais totalement achevée.
Après la villa des Villeneuve, largement masquée par une épaisse haie végétale, une grande maison abritait "l'aristocrate" du quartier, Mademoiselle de la Devèze et Madame et Monsieur Milandre, le photographe. Comme s'en souvient Michelle Lévy (devenue depuis Madame Salama), Mademoiselle de la Devèze accueillait les jeunes filles du quartier pour leur apprendre à tricoter, à crocheter, à se polir les ongles, et leur transmettre toutes les bonnes manières pour être, disait-elle, une jeune fille "comme il faut". L'harmonie parfaite ne régnait pas toujours entre les deux colocataires de cette maison qui étaient toujours en guerre, se traitant régulièrement et réciproquement de tous les noms d'oiseaux.
Faisant suite à cette maison, la grande demeure de Monsieur et Madame Chaix avait des allures de château comparée aux autres habitations du quartier, en raison de sa taille et de son architecture mais aussi parce qu'il y avait sur la pelouse, un salon de jardin avec des fauteuils et une balancelle recouverts de coussins moelleux, ce qui, à l'époque, nous semblait le summum du luxe. Au fond de l'allée, un grand garage servait d'entrepôt à Monsieur Chaix qui avait une entreprise de chauffage et de sanitaire. C'est dans ce local que l'abbé Neau, curé de Dély-Ibrahim, puis l'abbé Suchet, curé de Bouzaréah célébrèrent pendant quelques années la messe dominicale pour la petite poignée de fidèles d'Air de France.
Un grand terrain vague séparait la propriété des Chaix de la villa "Paul-Louise" (appelée couramment "maison Keichteil"), un petit immeuble de couleur rose pâle, au bout d'une allée avec une tonnelle, abritant sur deux niveaux cinq ou six minuscules appartements. Dans cet immeuble, habitaient, au rez-de-chaussée, les Lévy (avec leurs enfants Roger, Michelle et Georges) et les Guzman avec leurs neveux et nièces Raymond dit Riri, Suzanne et Marie-José. A l'étage logeaient Madame Curos, sa fille Laurette et ses deux fils Pierre et Paul Aparisi, une partie de la famille Benhaïm avec leur fille Brigitte et la famille Keichteil.
-Après cet immeuble, mon grand-oncle Charles Lubrano ("tonton Charlot") avait acquis à la fin des années 1920 avec son frère André, un terrain sur lequel ils avaient fait construire une villa de plain-pied, et un garage au-dessus duquel il y avait un appartement qu'occupèrent mon oncle Guy Sautet, ma tante Simone avec leurs trois filles, Ghislaine, Geneviève et Gisèle (il était de tradition dans la famille Sautet que les prénoms commencent toujours par la lettre G). C'est devant le garage que mon Oncle Guy stationnait sa magnifique automobile, une Talbot Lago Spécial, qu'il avait acquise, en 1951, lors de son retour d'A.E.F. (explication pour les plus jeunes : l'A.E.F., c'étaient les colonies d'Afrique Équatoriale Française). Une nuit de 1956 ou 1957, cette voiture fut incendiée et partiellement détruite par un attentat criminel.
Dans l'autre villa, les Fenech, des cousins (par les Roméro) plus ou moins éloignés, et leurs enfants Jean-Marie et Geneviève succédèrent à la famille Dupré, lorsque celle-ci put occuper la villa qu'elle avait fait construire dans la même rue.
Dans la villa suivante vivaient les deux sœurs Gonzalès, Marguerite et Joséphine, deux gentilles "vieilles" demoiselles qui, elles aussi, se faisaient un devoir de transmettre leur savoir-faire aux adolescentes du quartier, leur apprenant avec patience, les rudiments de la broderie.
Dans l'avant-dernière demeure du côté droit de la rue du Berry, habitèrent les Santini et leurs cinq enfants. Enfin, Monsieur Cormeret résidait dans la villa qui faisait l'angle avec la rue de Bourgogne, avec un magnigfique jardin, tout en fleurs, qui était l'objet de tous ses soins et qui faisait les délices de Renée Dupré, lorsque Monsieur Cormeret l'invitait à le visiter. En l'absence d'infirmière dans le secteur, c'est à ce "vieux" monsieur que les habitants du quartier faisaient appel lorsqu'ils avaient à se faire faire des piqûres, sans que l'on ait jamais su d'où il tenait ces connaissances.Repartons maintenant du début de la rue du Berry, c'est à dire depuis la rue du Bourbonnais, et intéressons nous au coté gauche.
Après l'angle, sur la propriété des Botella avec son mur de clôture recouvert de passiflores et du splendide rosier grimpant couvert de roses pompon qui parfumaient la rue, avait été édifiée une demeure destinée à Georges, le fils aîné (le second fils, Jean-Claude, occupa avec son épouse Michelle, le logement au premier étage de l'autre maison, lorsqu'il fut libéré par les Tordjman).

En juin 1953, au début de la rue du Berry (pas encore goudronnée), côté gauche, devant le mur de clôture des Botella, avec le splendide rosier grimpant couvert de roses pompon qui embaumaient toute la rue, Francis Rambert, le jour de sa Communion Solennelle.
Dans la grande villa des Dumas et de leurs enfants, qui faisait suite, séjournèrent, au rez-de-chaussée les Pausanias, puis les Tillot (le pharmacien) qui accueillaient parfois leur nièce venue de métropole, passer les grandes vacances d'été au soleil d'Algérie.
Madame Simonin, qui occupait avec son fils la maison suivante, était toujours couverte, été comme hiver, d'une grande cape noire et sa silhouette austère faisait trembler les gamins du quartier d'un effroi que rien ne justifiait vraiment. Lorsqu'elle croisait un des enfants, cette "vieille dame" s'enquérait de leur santé ou de leurs résultats scolaires et l'entretien, quelle que soit la réponse, se terminait immanquablement par son expression favorite "à la bonne heure !". Après le décès de son mari, Madame Simonin mit en location des chambres de sa maison, dont l'une fut occupée par Pierre et Anne-Marie Sauvet, un jeune couple d'instituteurs, originaires de Bône, nommés dans la région d'Alger. Comme s'en souvient Rachid Aissiou, le fils Simonin qui avait une Simca Ariane faisait un clin d'œil, comme à un vieil ami, à Rachid qui l'attendait à l'angle de la rue du Berry et de la rue de Bourgogne, pour voir le décor des deux petits pieds noirs accrochés au rétroviseur central.
Après les Simonin, une grande maison, juste avant un terrain vague, fut occupée par les Forestier. Au-delà de ce terrain, la villa de Madame Marini et des Massini (à ne pas confondre avec les Massimi), sa fille et son gendre, était clôturée par un mur et un grillage recouvert de volubilis. Les Suréda et leurs enfants, Jean et Annie, habitaient la maison suivante dans le jardin de laquelle il y avait, sur l'arrière, un grand mûrier dont les feuilles quémandées (ou subtilisées) aux Suréda servaient à alimenter les élevages de vers à soie que certains enfants entretenaient pour avoir le plaisir de récolter quelques cocons en récompense de leurs efforts et de leur ténacité.
Ensuite, ma mémoire me fait défaut, mais "Mémette" Santini (Padovanni) m'a confirmé que la villa suivantes fut la demeure (ou la résidence secondaire ?) des Laugier dont le père et les fils étaient des fervents du jeu de boules. Ensuite il y avait la maison des Beauregard (à moins que ce ne soit,ainsi que le rappelait Rachid, Boggart, un ami de la famille Aissiou, qui avait une bonneterie à Alger). Enfin la dernière maison de la rue, avant un terrain vague très humide à l'angle de la rue de Bourgogne, était occupée, par Monsieur Ribès, un espagnol qui épousa Marguerite, une des deux soeurs Gonzalès.